« La séparation des églises nous coupa de l’Europe. Nous n’eûmes part à aucun des grands événements qui la bouleversèrent par la suite. Mais nous possédions notre vocation singulière. La Russie et ses immenses espaces absorba l’invasion tartaro-mongole. Les Tartares n’osèrent pas poursuivre au-delà de nos frontières occidentales. Ils se retirèrent dans leurs déserts, la civilisation chrétienne fut sauvée. Mais pour remplir cette mission, nous devions mener une existence spécifique qui, tout en nous préservant en tant que chrétiens, fit de nous des étrangers au monde de la chrétienté. Pour ce qui est de notre insignifiance historique, je ne saurais être d’accord avec vous. Vraiment, vous ne voyez rien de considérable dans la situation actuelle de la Russie, susceptible de frapper l’historien de demain ? Bien qu’attaché de cœur au souverain, je suis loin d’être enthousiasmé par tout ce que je vois autour de moi. En tant que littérateur, je m’irrite, je suis offensé, mais, parole d’honneur, pour rien au monde je ne voudrais changer de patrie ou avoir une autre histoire que celle de nos ancêtres, telle que le seigneur nous l’a donnée. »
— Alexandre Pouchkine, Lettre à Piotr Tchaadaïev, 19 octobre 1836